CC 23 janvier 1987 Conseil de la concurrence n 86-224 DC |
SUR LE TRANSFERT A LA JURIDICTION JUDICIAIRE DU
CONTROLE DES DECISIONS DU CONSEIL DE LA CONCURRENCE :
15. Considrant que les dispositions des articles 10 et 13 de la loi des 16 et
24 aot 1790 et du dcret du 16 fructidor An III qui ont pos dans sa gnralit
le principe de sparation des autorits administratives et judiciaires n'ont
pas en elles-mmes valeur constitutionnelle; que, nanmoins, conformment
la conception franaise de la sparation des pouvoirs, figure au nombre des
"principes fondamentaux reconnus par les lois de la Rpublique" celui
selon lequel, l'exception des matires rserves par nature l'autorit
judiciaire, relve en dernier ressort de la comptence de la juridiction
administrative l'annulation ou la rformation des dcisions prises, dans
l'exercice des prrogatives de puissance publique, par les autorits exerant
le pouvoir excutif, leurs agents, les collectivits territoriales de la Rpublique
ou les organismes publics placs sous leur autorit ou leur contrle;
16. Considrant cependant que, dans la mise en oeuvre de ce principe, lorsque
l'application d'une lgislation ou d'une rglementation spcifique pourrait
engendrer des contestations contentieuses diverses qui se rpartiraient, selon
les rgles habituelles de comptence, entre la juridiction administrative et
la juridiction judiciaire, il est loisible au lgislateur, dans l'intrt
d'une bonne administration de la justice, d'unifier les rgles de comptence
juridictionnelle au sein de l'ordre juridictionnel principalement intress;
17. Considrant que, si le conseil de la concurrence, organisme administratif,
est appel jouer un rle important dans l'application de certaines rgles
relatives au droit de la concurrence, il n'en demeure pas moins que le juge pnal
participe galement la rpression des pratiques anticoncurrentielles sans
prjudice de celle d'autres infractions intressant le droit de la
concurrence; qu' des titres divers le juge civil ou commercial est appel
connatre d'actions en responsabilit ou en nullit fondes sur le droit de
la concurrence; que la loi prsentement examine tend unifier sous
l'autorit de la cour de cassation l'ensemble de ce contentieux spcifique et
ainsi viter ou supprimer des divergences qui pourraient apparatre dans
l'application et dans l'interprtation du droit de la concurrence;
18. Considrant ds lors que cet amnagement prcis et limit des rgles
de comptence juridictionnelle, justifi par les ncessits d'une bonne
administration de la justice, ne mconnat pas le principe fondamental
ci-dessus analys tel qu'il est reconnu par les lois de la Rpublique;
19. Mais considrant que la loi dfre au Conseil constitutionnel a pour
effet de priver les justiciables d'une des garanties essentielles leur dfense;
20. Considrant en effet que le troisime alina de l'article 15 de
l'ordonnance du 1er dcembre 1986 dispose que le recours form contre une dcision
du conseil de la concurrence "n'est pas suspensif"; que cette
disposition n'aurait pas fait obstacle ce que, conformment l'article 48
de l'ordonnance n 45-1708 du 31 juillet 1945 et au dcret n 63-766 du 30
juillet 1963, le Conseil d'Etat pt, la demande du requrant, accorder un
sursis l'excution de la dcision attaque si son excution risquait
d'entraner des consquences difficilement rparables et si les moyens noncs
dans la requte paraissaient srieux et de nature justifier l'annulation de
la dcision attaque;
21. Considrant au contraire, que la cour d'appel de Paris, substitue par la
loi prsentement examine au Conseil d'Etat, saisie d'un recours contre une dcision
du conseil de la concurrence, ne pourrait prononcer aucune mesure de sursis
excution; qu'en effet, la loi a laiss subsister dans son intgralit le
troisime alina de l'article 15 de l'ordonnance du 1er dcembre 1986 et n'a
pas donn la cour d'appel le pouvoir de diffrer l'excution d'une dcision
de caractre non juridictionnel frappe d'un recours auquel est dni tout
effet suspensif, et ceci quelle que soit la gravit des consquences de l'excution
de la dcision et le srieux des moyens invoqus contre celle-ci;
22. Considrant que, compte tenu de la nature non juridictionnelle du conseil
de la concurrence, de l'tendue des injonctions et de la gravit des sanctions
pcuniaires qu'il peut prononcer, le droit pour le justiciable formant un
recours contre une dcision de cet organisme de demander et d'obtenir, le cas
chant, un sursis l'excution de la dcision attaque constitue une
garantie essentielle des droits de la dfense;
23. Considrant ds lors que les dispositions de l'article 2 de la loi prsentement
examine ne sont pas conformes la Constitution; que, les dispositions de
l'article 1er n'en tant pas sparables, la loi doit, dans son ensemble, tre
regarde comme non conforme la Constitution; ....